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Léo Bormans : « Pour nourrir l’espoir, on doit embrasser les obstacles »

Léo Bormans : « Pour nourrir l’espoir, on doit embrasser les obstacles »

Bio Info: Votre livre met en lumière les approches scientifiques de l’espoir, n’est-ce pas pourtant un thème difficile à mettre en équations?

Léo Bormans : J’ai été le premier surpris de découvrir qu’il y avait des études sur des thèmes comme l’amour, le bonheur ou l’espoir. Car je suis le premier aussi à ne pas aimer le bla-bla, les affirmations gratuites ou trop commerciales… Je n’aime pas les smileys! Car la vie ce n'est pas Disneyland et le négatif, ça existe. On a tous notamment droit au chagrin et à la peur. Sur l’espoir, j’ai trouvé 300 spécialistes à travers le monde. «Hope» leur donne la parole exclusivement. En plus des livres qui racontent des expériences de succès, comme il en existe déjà beaucoup, j’ai voulu faire un pont entre leurs connaissances et l’expérience qui se vit partout dans le monde, sans connaissances particulières.

L’espoir, comme le bonheur, est d'abord un instinct?

Oui. Regardons les enfants. Regardons certains pays où il n’y a même pas d’universités. Mais la société nous inculque des réflexes négatifs, des informations désespérantes, ou plutôt angoissantes. Or l’angoisse est le vrai contraire de l’espoir, avant le désespoir, dans la mesure où elle démobilise. Elle paralyse. Les réfugiés, pour prendre un exemple dans l'actualité, savent que l’angoisse est mauvaise conseillère, ils arrivent à trouver des solutions, des pistes. L'espoir est un instinct qu'il faut parfois réapprendre à nourrir. En cours de route, nous oublions ce que nous savions faire enfants: nous émerveiller devant la complexité d’une toile d’araignée, ne pas nous attrister quand il pleut…

Sommes-nous tous égaux en espoir?

L’espoir, c’est comme l’oxygène. On ne peut vivre sans, mais on en a plus ou moins. À ce qu’on sait, 50% de notre capacité au bonheur est de l’ordre des éléments innés dans notre vie. 10% dépendent des circonstances, ce qui est très peu. Et 40% dépendent de notre «mind set» (état d’esprit) c’est-à-dire de la façon dont on regarde la vie. Avoir eu des parents très négatifs, qui ne vous ont pas valorisé et qui ont entretenu les pensées sombres sur la vie rend certes la tâche très difficile, en cela nous ne sommes pas égaux, mais grâce à l’espoir, on peut reformuler son passé. C’est une question de perception. Et la bonne nouvelle, c’est que cela s’apprend. On peut augmenter son niveau d’espoir. Les cultures, les pays ont aussi plus ou moins de capacité à l’espoir.

Quels sont les éléments déterminants dans ces inégalités? Peut-on rapporter l’espoir à des facteurs comme l’ensoleillement ou même la richesse?

L. B.: Non, cela n’a rien à voir. En tête du classement mondial, on trouve les pays du Nord, qui ne profitent pas beaucoup du soleil. Et la France, qui n’est pas si mal placée, se trouve pourtant derrière le Mexique alors qu’elle est 9 places devant pour son PIB. Non, décidément, l’argent n’est pas un facteur déterminant. Sur chaque continent, on trouve des aptitudes différentes à l’espoir: en Asie, on est focalisé sur l’être plus que dans les pays de l’Ouest, où on cherche surtout à «avoir». Dans les pays du Nord, on espère parce qu’on fait confiance et qu’on entretient la solidarité.

Rien de mieux qu’un exercice pour que chacun puisse comprendre ce qui détermine le bonheur. Repensez à un moment de votre vie où vous avez été particulièrement heureux, gardez cette photo en tête… Je vais vous citer quatre caractéristiques et vous verrez combien étaient réunies à ce moment dont vous êtes en train de fixer le souvenir. Ce moment était gratuit ou n’a pas coûté trop d’argent; il était inattendu, il y a eu une forme de surprise; vous étiez avec d’autres, ou seule, mais en train de penser à quelqu’un; et enfin, vous vous êtes senti valorisée, gratifiée. Alors, combien?

Tous! Vous venez donc de citer ce qu’il faut privilégier pour entretenir son capital espoir?

Oui, il faut cesser de passer son temps à acheter (la dernière tablette, le super nouveau jean de telle marque…), lutter contre la routine et partager, faire partie de groupes. Ce dernier point est particulièrement important. J’ai demandé un jour à un éminent professeur, Christopher Peterson, d’essayer de résumer en 1000 mots tout ce qu’il avait appris sur l’espoir. Il m’a d’abord répondu que c’était impossible. Bien embêté, il est finalement revenu en me disant qu’il avait trouvé deux mots! «Other people». «L’enfer c’est les autres» est définitivement faux. D’autre part, les petites actions quotidiennes ont un impact énorme. C’est ce qu’on a montré à l’université de Louvain, en Belgique, en faisant participer 10000 personnes. Une action par jour: écrire une lettre à une personne qu’on aime, prendre un moment pour jouer avec ses enfants, faire une petite promenade…

A contrario, quels sont les plus grands obstacles à l’espoir?

Les trois caractéristiques des personnes qui ont le plus de mal à espérer sont l’angoisse, l’absence de mots pour exprimer ses émotions – ce que j’espère résoudre en partie avec mon livre – et le perfectionnisme. Oui, car la vie est imparfaite! C’est même un moteur. Pour nourrir l’espoir, on doit embrasser les obstacles. C’est ce qui fonctionne, à l’instar des barrages hydroélectriques: c’est l’obstacle qui permet à l’eau d’être une force, on trouve ensuite des systèmes pour l’optimiser: des moulins, des turbines…

Après avoir enquêté deux années sur le bonheur, qu’avez-vous appris de particulier sur l’espoir et comment se différencie-t-il du bonheur?

Le bonheur est un sentiment. L’espoir est un possibilisme qui combine croire et agir. C’est de l’optimisme avec les manches retroussées. Espérer commence avec l’imagination. Avoir de grands objectifs Combinés à notre capacité d’être agents de nos vies et à celle de trouver les meilleures pistes pour les atteindre, les objectifs entretiennent l’espoir. «Nous créons l’espoir instant après instant par nos choix», répond Shane J. Lopez, spécialiste en psychologie de l’espoir cité page 36 de "Hope". Sur les 300 spécialistes que j’ai interrogés, il n’y en a que 10 qui travaillent aussi sur le bonheur. C’est dire que c’est un sujet vraiment différent.

Quel conseil donneriez-vous pour s’y retrouver dans le flot des discours sur la psychologie positive?

Ajoutez Descartes! Ajoutez le doute systématique. Il faut tenir son esprit en éveil, se poser de questions, cultiver le doute… À condition de s’en servir intelligemment. Trop de doutes paralyse, pas assez expose au risque de tomber dans tous les pièges. L’angoisse est le contraire de l’espoir, mais le doute est sa sœur! C’est simple, il faut connecter son cœur et son cerveau. L’espoir s’expérimente dans la mesure où il se vit dans l’action, mais pas n’importe comment. Chacun a son chemin à suivre.

(Photo Franck Toussaint)

À écouter : Léo Bormans sur les ondes de Radio Médecine Douce, émission du 6 octobre 2015

 

Bio en bref

Originaire de Belgique, Leo Bormans est l'auteur de livres de psychologie pour les adultes et les enfants. Il est à l'origine du grand projet Happiness, qui a donné lieu au best-seller international du même nom. Il donne des conférences partout dans le monde sur le thème de l'optimisme.

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