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Le temps des suiveurs

Le temps des suiveurs

Isabelle PetiotOn a du mal à comprendre pourquoi, malgré tout ce qui se dit depuis déjà plusieurs décennies sur les méfaits du soleil pour la peau, certains vacanciers s’exposent encore sans protection entre 12 et 15 heures. En langage de sociologue, ces personnes s’appellent des « retardataires ». Des personnes dont les comportements sont devenus marginaux par rapport à ceux d’une majorité qui a su adapter ses habitudes aux nouvelles connaissances. Avant eux, il y a les « suiveurs » ; au tout début, les « pionniers », ceux que les anglophones appellent les trendsetters. L’évolution des comportements, cette lame de fond qui, à l’échelle d’une société, sous-tend les grands changements, suit invariablement ces trois étapes, dans tous les domaines.

En matière d’environnement et de santé naturelle, serions-nous enfin arrivés à cette bienheureuse époque où il n’y aurait plus que des retardataires à entraîner ? Que de chemin parcouru, en effet, depuis les années 1970 et les débuts de la bio ! L’époque des pionniers est loin derrière nous et les signes d’évolution nombreux, de la progression du marché des produits biologiques à la critique de plus en plus bruyante de la médecine conventionnelle en passant par le récent Grenelle de l’environnement…

La décision de la Cour européenne de justice sur la commercialisation des semences anciennes, en juillet, a calmé notre enthousiasme. En refusant de légaliser le commerce des semences potagères autres que celles inscrites dans le sacro-saint catalogue officiel des variétés, l’Union européenne nous a montré à quel point le système était toujours bien en place, prêt à sacrifier la biodiversité et notre santé au profit des grandes sociétés qui verrouillent l’agriculture mondiale. Rien que dans notre pays, et à l’heure où l’on pourrait se réjouir d’avoir des Verts au gouvernement, qui ose vraiment s’opposer aux idées reçues sur la médecine et l’agriculture ? Pas grand monde, ce qui ne nous étonne pas puisque, selon de récents sondages, les préoccupations environnementales des Français « baissent en raison de la crise » !

Décidément, non, il faut bien se rendre à l’évidence que nous ne sommes pas encore au temps du changement avéré. Que nous n’avons pas encore atteint ce point de basculement où l’économie et les institutions sont obligées de suivre la tendance à leur tour à moins de disparaître face à la nouvelle demande. Nous sommes au temps – plus long, plus humble, plus exigeant – de la consolidation. Entre les originaux de la première heure et de futurs réfractaires, nous sommes les suiveurs ! Ceux dont les choix quotidiens déterminent le changement, bien plus que ce qu’on peut attendre des institutions et des grandes entreprises… Les pédagogues qui suivent les idéologues.

Car critiquer, défendre, s’opposer, exhorter, s’indigner, réagir, c’est bien. Mais comme avec les enfants, montrer, décrire, faire goûter, donner l’exemple… c’est mieux. À nous aussi de ne pas servir à ceux qui nous interrogent des credos appris par cœur, d’oser remettre en cause certaines idées conformistes sur l’environnement ou sur le bio. On n’a jamais raison à 100 %, surtout si on ne sait pas écouter ses adversaires. Critiquer le nucléaire et déplorer les marées noires n’est pas suffisant pour ceux qui nous écoutent. Quand bien même on aurait trouvé des solutions de remplacement, il faudrait ainsi, primo, qu’elles soient réalisables, secundo que l’on explique comment les traduire en actes. Qu’on explique aussi, après avoir dit qu’il était formidable de cultiver ses tomates en ville, comment on fait lorsqu’on habite dans une capitale comme Berlin puisqu’une étude vient de montrer que les légumes cultivés sur les toits de la capitale allemande étaient jusqu’à onze fois plus contaminés aux métaux lourds que ceux vendus en grandes surfaces… Le temps des suiveurs, c’est le temps où, comme l’ont souligné fin août plusieurs élus Verts, on passe « d’une écologie de protestation à une écologie de réalisation ». Un « long chemin », comme ils disaient aussi. 

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