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Vive les semences libres !

Vive les semences libres !

Fin mars 2015, contre toute attente, l’Office européen des brevets (OEB) a décidé d’accorder deux brevets à des espèces végétales obtenues par des croisements naturels : un chou brocoli fortement concentré en une substance anticancéreuse, déposée par une société britannique (Plant Bioscience Limited) et un brevet sur une tomate ridée (contenant peu d’eau), déposé par le ministère israélien de l’Agriculture. Et ce, en dépit des nombreux recours en opposition déposés depuis 2002, tant par les ONG que par des semenciers (Syngenta, Limagrain et Unilever).

Conséquence de ces brevets : toute personne cultivant ou commercialisant de tels choux ou tomates, bien qu’ils puissent être obtenus naturellement, devra désormais acquérir l’autorisation du détenteur du brevet et lui verser des royalties ! La décision scandalise jusqu’aux élus de notre pays, qui ont demandé l’interdiction des brevets sur les « traits natifs » lors du débat parlementaire sur la loi Biodiversité, votée le 24 mars dernier en première lecture à l’Assemblée nationale. Des élus qui, cependant, ont toujours approuvé les lois visant à rendre les paysans captifs des semenciers... Car cela fait déjà longtemps que les paysans ne sont plus libres de semer ce qu’ils veulent.

Des semences 
sous contrôle

En 1932, l’État français instaure un catalogue national officiel des semences, initialement pour sécuriser le marché, en empêchant qu’une même variété puisse être vendue sous des appellations différentes ou que des variétés différentes puissent être commercialisées sous le même nom… D’abord sous contrôle de l’État, ce catalogue passe aux mains du GNIS, le Groupement national interprofessionnel des semences et plants, créé par le régime de Vichy en 1941. Dès 1949, les semences inscrites sont protégées par un Certificat d’obtention végétal (COV), sorte de brevet qui interdit leur diffusion libre. Les semences, pour pouvoir être inscrites, doivent répondre à des critères scientifiques stricts (DHS, pour distincte, homogène, stable) et avoir une valeur agronomique et technologique (VAT).

En pleine modernisation agricole, dans les années 1970, les paysans sont vivement incités à ne recourir qu’à ces semences certifiées, abandonnant peu à peu leurs variétés anciennes ou de pays. Puis, en 1994, ils y sont obligés, dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC), faute de pouvoir toucher des subventions.

Pourtant, s’il est une caractéristique des semences, c’est de pouvoir donner des plantes capables à leur tour de donner des semences, gratuites, elles ! Mais là encore, les semenciers veillent au grain : ils mettent continuellement au point de nouvelles variétés pour remplacer celles qu’ils désinscrivent du catalogue avant qu’elles ne tombent dans le domaine public (au bout de vingt ans). Même les États s’y sont mis : en décembre 2011, la loi française interdit aux paysans de produire leurs « semences de ferme », celles qu’ils obtiennent de leur propre récolte et utilisent pour eux-mêmes, sauf pour une vingtaine d’espèces (dont le blé) et contre paiement de royalties. En 2013, il a même été question de criminaliser les contrevenants, passibles de prison ou de fortes amendes dans le cadre de la loi anticontrefaçon…

Aux graines, citoyens !

Face à cette privatisation de la vie, la résistance s’organise. Comme l’union fait la force, un collectif d’une trentaine d’associations nationales et locales mène chaque année depuis 2011 une campagne « Semons la biodiversité », avec un site internet dédié, pour des semences libres. En font partie les emblématiques Réseau semences paysannes et la Confédération paysanne, qui ont manifesté de façon tonitruante au dernier Salon de l’agriculture fin février. Même des entreprises vertueuses ont rejoint ce mouvement, comme Déméter, Nature et Progrès, ou encore la Fondation Léa nature-Jardin bio, qui a participé fin 2014 au financement d’une campagne d’informations de la Confédération paysanne sur « la guerre des semences ». Pour la militante altermondialiste indienne Vandana Shiva, venue à Paris en 2012 à l’occasion d’une tournée mondiale visant à sensibiliser le monde entier sur la nécessité de libérer les semences, comme pour ces autres associations, la seule voie de résistance est la désobéissance civile : il faut planter des graines librement, les échanger en dehors des circuits commerciaux et maintenir en vie les variétés anciennes. 

 

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Campagne d’informations de la Fondation Léa nature-Jardin bio sur la guerre des semences.


Développement

Kokopelli, pionnière 
des semences libres

Kokopelli est une association qui milite depuis 1999 pour la liberté des semences. Elle produit et commercialise les graines biologiques, libres de droits et reproductibles, de 650 variétés anciennes, principalement potagères. Une démarche qui ne plaît pas aux fournisseurs : en 2005, Graines Baumaux, qui commercialise des semences anciennes certifiées, a attaqué Kokopelli pour concurrence déloyale, avant que cette dernière ne dépose l’appellation « Kokopelli », en octobre 2007, auprès de l’INPI (Institut national de la propriété industrielle), pour une tomate. Kokopelli a finalement gagné en justice et lancé une campagne de financement « Semences sans frontières », soutenue par des entreprises comme les Jardins de Gaïa, afin d’assurer l’autonomie maraîchère des pays en voie de développement. C.D.

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